Après avoir retracé l’histoire de la reine Berthe, intéressons-nous un peu plus à celle de l’Abbatiale et plus généralement de la ville de Payerne : pourquoi Adélaïde, la fille de Berthe, choisit-elle cet endroit pour y enterrer sa mère ? Le prieuré de Payerne n’est en effet pas construit sur un terrain vierge de tout passé. Dès l’Antiquité, d’imposantes constructions et des personnages de haut rang ont occupé les lieux.
Les fouilles menées dans les années 1950 par l’architecte Pierre Margot révèlent pour la première fois l’existence de vestiges datant de l’époque romaine sous l’Abbatiale. Un vaste bâtiment est mis au jour. Il correspond sans doute à l’élément principal d’une villa, c’est-à-dire d’un grand domaine rural typique de l’Antiquité. La position du site, sur un petit promontoire dominant la plaine de la Broye, à quelques kilomètres seulement d’Avenches, la capitale de l’Helvétie romaine, le rend particulièrement intéressant.
A part les fondations des murs, on connaît peu de choses de cet édifice. Les sols ont pour la plupart disparu. Très peu d’objets sont parvenus jusqu’à nous. Les constructions et les nombreuses sépultures creusées dans le sol au Moyen Age ont fait disparaître la plupart des couches archéologiques de l’époque romaine. Une partie des moellons de calcaire jaune utilisés pour construire l’église romane, et que l’on voit encore aujourd’hui, proviennent pourtant de cette villa. Ce phénomène de récupération des matériaux, que les archéologues et les historiens d’art appellent « remploi », est bien connu. S’il a existé de tout temps, il est particulièrement répandu au Moyen Age.
L’une des pierres utilisées en « remploi » est encore visible dans le chœur de l’église. Elle est particulièrement importante pour l’histoire du site. Il s’agit d’une stèle funéraire qui mentionne, en latin bien sûr, un certain P. Graccius Paternus, peut-être un propriétaire du domaine. Les Romains possèdent généralement un nom composé de trois éléments : un prénom (praenomen), un nom (nomen) et un surnom (cognomen). Ici, le dernier, Paternus, évoque une importante famille d’Avenches. Mais il fait surtout écho au nom actuel de Payerne, dérivé de cette racine Patern- qui désigne encore ce lieu bien plus tard, dans des écrits médiévaux (in loco Paterniaco par exemple). Ainsi Payerne garde-t-elle dans sa dénomination le souvenir de son passé antique.
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©Rémy Gindroz